Faits divers

Babel

La multiplication des enregistrements liés à l'extension du catalogue des oeuvres classiques revient avec tellement d'insistance dans ces chroniques qu'il semble utile de l'insérer dans un cadre général. En un demi siècle, les éditeurs ont clairement changé de stratégie, passant de la consolidation du grand répertoire à un inventaire minutieux du vaste ensemble des oeuvres de l'ombre. edition du disque et labels

Bienfaits et méfaits de l'électronique

Le 20ème siècle a vu les progrès foudroyants de l'électronique dans tous les domaines de la vie moderne et, en particulier, son immixtion dans le monde musical au service de la captation des sons et de leur restitution.

Un espoir est né de compléter l'instrumentarium traditionnel (idiophones, membranophones, cordophones, aérophones) par une nouvelle famille dite des électrophones, basée sur l'exploitation de circuits oscillants alimentant des haut-parleurs. Les débuts ont été confidentiels et au bilan peu concluants (Theremin et Ondes Marteno), jusqu'à l'avènement des synthétiseurs. Eventuellement flatteurs pour les sens comme peut l'être une pizza bien garnie, ils pêchent cependant par un formattage acoustique qui peine à se renouveler.

Au rang des bienfaits incontestables de la révolution électronique, il convient de citer l'invention des procédés d'enregistrements et de restitutions sonores, du lointain phonographe au lecteur digital de disques compacts. Des débuts de cette aventure, nous avons conservé quelques documents historiques précieux, telle la voix du dernier castrat, Alessandro Moreschi, enregistrée en 1902, ou celle d'Enrico Caruso ou de Feodor Chaliapin (A cette époque héroïque, seule la voix humaines pouvait être reproduite dans des conditions acceptables). Par la suite, l'entrée du disque vinyl (78 puis surtout 33 tours) a permis d'enregistrer les grands classiques classico-romantique avant d'élargir le répertoire vers les musiques de plus en plus anciennes et modernes. On a prédit maintes fois la fin de l'enregistrement classique et cela ne s'est jamais produit. Au contraire, nous disposons à présent d'un catalogue d'enregistrements proposant des intégrales impensables il y a 50 ans à peine. On dispose désormais des opéras de Vivaldi, des oratorios de Haendel,

C'est au fond la transposition en musique du principe de la bibliothèque ou du musée, où coexistent les chefs-d'oeuvre consacrés et les oeuvres provisoirement secondaires au sujet desquelles l'amateur distingué est invité à se faire sa propre opinion et la faire partager. J'avoue que j'ignore par quel mécanisme on finance une entreprise aussi louable que désintéressée; on a proposé plusieurs explications dont celle selon laquelle les Variétés s'achèteraient une vertu en renflouant les caisses du classique, une sorte de "Téléton".

Il semble paradoxal de plaider pour une culture du son acoustique qui n'est accessible qu'en concert et de se réjouir des possibilités de l'enregistrement électrique qui demeure notre source principale d'approvisionnement musical (domestique). On aura compris que l'enregistrement fonctionne comme une archive consultable à la manière d'un livre d'art emprunté en bibliothèque mais que rien en remplace le contact avec l'oeuvre authentique. Simplement c'est l'aspect chronophage de la musique qui met une limite à cette pratique idéale. Au bilan, concert et enregistrement se complètent, à aucun moment ils ne se font concurrence : le second n'a pas davantage tué le premier que la photographie n'a tué la peinture ou la télévision le cinéma et le théâtre.

Il faut l'admettre, le CD est le seul moyen d'accéder à des oeuvres qu'on n'entendra jamais au concert. On peut consulter les bases de données audio comme on feuilleterait un livre d'art pour en retenir dans l'urgence celui qui nous parle compte tenu du temps qui nous est mesuré. Cela dit, le lieu idéal d'expression de la musique demeure la salle de concert, le seul endroit où la musique passe directement du producteur au consommateur, une belle illustration du principe du circuit court que célèbrent les nouveaux chantres de l'alimentation responsable. Précisons qu'un concert classique de qualité coûte bien moins cher qu'un concert de Variété à succès, ce qui renvoie au rapport malsain que ce dernier entretient avec l'argent.