Billets d'humeur

Brillant mais à quel prix ?

Brillant Classics
Brillant Classics

Cela fait dix ans que certains ricanent et que d'autres grincent des dents : l'épiphénomène "Brillant" est cependant en train de perdre son "épi" et d'acquérir ses lettres de noblesses.  Actuellement, toutes les surfaces de vente réservent quelques étagères du rayon classique aux CD publiés par ce label.

Personne, il y a dix ans, ne pouvait y croire : un hollandais, Pieter van Winkel, entreprenait de créer un label discographique classique reposant sur quelques principes forts :

  • N'exclure a priori aucun répertoire, de Palestrina à Messiaen voire au-delà.
  • Proposer des intégrales par compositeur ou par genre, parfois fort loin des sentiers battus.
  • Comprimer les prix au maximum.

Brillant, puisque c'est son nom, fit ses premiers pas sur les marchés hollandais et belge dans des conditions quelque peu surréalistes.  Une chaîne de magasins, spécialisée dans la droguerie, la cosmétique et la parapharmacie, accepta de distribuer les CD.  Chaque quinzaine, le folder "Kruidvat" proposait un nouveau coffret plus, environ une fois par mois, 5 nouveaux CD de Cantates sacrées de Bach dans une interprétation batave inédite, dirigée par Peter Jan Leusink.  Chaque coffret était lancé au prix attractif de 7,5 euro et ce n'était qu'un début !  Douze volumes de cantates parurent au total, toujours disponibles actuellement au prix unitaire de 10 euro.  Je me demande cependant qui - à part les distraits - les achète encore vu que l'édition Brillant de l'œuvre complète de Bach peut, aujourd'hui, être acquise pour 80 euro seulement, les cantates y figurant évidemment à côté des autres œuvres du Cantor. Actuellement, le contrat de distribution avec Kruidvat semble dissout et les CD Brillant ont rejoint le circuit normal.

Les intégrales en coffrets

Coffret Bach
Coffret Bach

Le coffret Bach (155 CD), premier projet d'envergure du nouveau label, devait paraître en un temps record (l'an 2000 commémorant les 250 ans de la disparition du compositeur).  Comme il était inconcevable d'enregistrer 155 CD en si peu de temps, Van Winkel eut l'idée de négocier le rachat des licences d'exploitation d'enregistrements existants, auprès des firmes en possédant les droits.  Beaucoup de négociations aboutirent mais Teldec, contactée pour la réimpression de sa prestigieuse intégrale "Leonhardt-Harnoncourt" des Cantates, opposa une fin de non-recevoir.  Van Winkel n'abandonna pas la partie pour autant et confia à Peter Jan Leusink, le projet pharaonique de les enregistrer (en 15 mois !).  Celui-ci fit de son mieux, malgré un délai trop court.  L'indulgence n'ayant jamais fait partie des qualités reconnues chez les critiques musicaux, le résultat a essuyé quelques commentaires sévères au plan artistique.  Je les ai tempérés ailleurs sur ce site : certes, si vous ne pouvez (sur)vivre sans les Cantates et que vous n'êtes pas sur la paille, achetez l'intégrale Suzuki (Si vous n'êtes pas pressé, attendez que BIS se décide à la vendre en coffret à prix réduit, sinon prévoyez 1000 euros pour les pièces détachées).  Si par contre, vous voulez faire connaissance avec ces œuvres sans vous ruiner (quitte à débourser davantage pour celles qui vous plaisent particulièrement), l'offre Brillant est très convenable.  Son moindre mérite n'est-il pas d'avoir fait découvrir, en quelques mois, les cantates à quelques 100.000 hollandais toujours friands de prix attractifs ?

Le reste de l'intégrale Bach (soit 95 CD) réserve quelques belles surprises, au rang desquelles je retiendrai avant tout :

  • Les Cantates profanes dirigées par Peter Schreier, entouré de solistes de renom : Edith Mathis, Arleen Auger, Lucia Popp, Carolyn Watkinson, Julia Hamari, Peter Schreier, Théo Adam et Siegfried Lorenz (8 CD sous licence Edel).  Cet ensemble est un bonheur de tous les instants comme en témoigne cet extrait du premier air de la célèbre "Cantate du Café", chanté par Théo Adam :
  • Les Suites pour orchestre par le Consort of London (licence Collins).
  • Les Passions (St Jean et St Mathieu décevantes mais cela est partiellement compensé par la présence des rares St Luc et St Marc (licence Bayer)).  Notez que Brillant a publié séparément les deux premières nommées, remarquablement dirigées, cette fois, par Stephen Cleobury.
  • Les Suites pour violoncelle solo interprétées par un remarquable Robert Cohen (licence ASV).
  • Les Suites pour luth jouées par un tout aussi remarquable Jacob Stringberg (licence BIS).
  • Les Sonates pour flûte & clavecin par Stephen Preston & Trevor Pinnock (licence CRD).
  • Les Sonates pour violon & clavecin BWV 1021-1023 avec Monica Huggett (licence ASV).
  • L'œuvre pour orgue par Hans Fagius (Caluman organ at Leufsta Bruk, Suède) (licence BIS).

Ce coffret comporte plusieurs nouveaux enregistrements : outre les Cantates, l'œuvre pour clavier a été intégralement enregistrée par le claveciniste "maison" Pieter-Jan Belder.  Belder fait partie des collaborateurs satisfaits des termes du contrat proposé par Van Winkel : un cachet convenable pour solde de tout compte, sans pourcentage sur les ventes.  Certes, l'intéressé reconnaît qu'il ne sera jamais riche mais la notoriété acquise suffit à remplir son carnet d'engagements.   De fait, il s'est vu proposer, dans la foulée, une intégrale Domenico Scarlatti (à présent achevée) et il s'attaque actuellement au Padre Soler. Leusink, en revanche, s'est quelque peu mordu les doigts d'avoir accepté le marché des cantates : il ne s'attendait pas à ce qu'elles se vendent si bien et peut-être ne croyait-il pas trop au projet, un peu fou, de Van Winkel. 

L'enregistrement des Cantates (60 CD, soit plus du tiers du coffret complet) fit exploser le budget de Brillant, au point de compromettre l'avenir de l'entreprise.  Van Winkel eut alors l'idée "brillante" de récidiver avec l'œuvre intégrale de Mozart.   Ce n'était pourtant pas gagné d'avance car enfin, comment imaginer intéresser un large public aux 626 numéros d'opus du Maître de Salzbourg : la majorité n'en connaît que la "Petite Musique de Nuit" ou la mélodie "Ah vous dirais-je maman" pour l'avoir entendue au berceau, émise par une boîte à musique. 

Le coup de poker s'avéra pourtant gagnant au-delà de toute espérance : rien qu'en France, plus de 200.000 intégrales furent vendues.  Habilement lancé au moment des fêtes de fin d'années, le coffret Mozart devint le cadeau "commode" par excellence.

Le coffret Mozart (160 CD pour 60 euro) ne manque pas d'intérêt, à commencer par les 41 Symphonies dans l'excellente interprétation "maison" de Jaap ter Linden.  C'est l'occasion d'entendre toutes les symphonies de jeunesse, largement interchangeables, il est vrai.  Les Quatuors (sous licences Claves & Nimbus) sont très bons eux aussi; quant aux incontournables 27 Concertos pour piano, ils font l'objet d'un enregistrement raffiné de Derek Han (piano) & Paul Freeman, à la tête du Philharmonia Orchestra.   Côté opéra, j'ai noté, outre "Les Noces de Figaro" et "Cosi fan Tutte" par la Petite Bande (licence Accent), un "Enlèvement au Sérail" très … enlevé sous la direction de Charles Mackerras (Licence Telarc).  Au bilan, on ne peut qu'admirer l'ingéniosité déployée par Van Winkel pour que tous les opéras de jeunesse - mais aussi les messes et les oratorios - soient présents dans cet ensemble.

Un intéressant coffret Beethoven (85 CD pour 80 euro) a suivi.  On y trouve les incontournables attendus :

  • Les 9 Symphonies (Dir. Masur - licence Universal).  Brillant a, par ailleurs, réédité séparément l'intégrale Blomstedt qui est (très) supérieure.
  • Les 7 Trios (Trio Borodine, licence Chandos).
  • Les 10 Sonates pour violon & piano par Arthur Grumiaux & Clara Haskil - non vous ne rêvez pas !  La licence affichée est celle de Decca alors qu'à ma connaissance, l'intégrale Grumiaux-Haskil est parue initialement chez Philips.  Autant dire que le procédé du rachat de licence est loin d'être une nouveauté.
  • Les 16 Quatuors (Guarneri Quartet, licence Decca).
  • Les 32 Sonates par Friedrich Gulda (licence Amadeo).  Gulda, c'est comme Gould, on aime ou on déteste.  Cela dit, Brillant a également réédité, séparément, l'intégrale John Lill que je recommande chaudement (John Lill - premier lauréat du Concours Tchaïkovski en 1970 - fait partie, tout comme son aîné, Clifford Curzon, de ces pianistes britanniques peu connus mais à découvrir absolument).
  • Les Bagatelles et les Cycles de variations pour piano (Alfred Brendel, licence Vox).

L'essentiel de l'oeuvre de Beethoven est connu de tout mélomane un brin cultivé.  Aussi les amateurs seront-ils ravis de découvrir, dans ce coffret, quantité d'œuvres rares et non nécessairement négligeables.  Ces œuvres, ne portant pas de numéros d'opus, sont tout simplement notées  WoO ("Werk ohne Opuszahl").  Vous découvrirez en priorité :

  • Les 3 Quatuors à clavier WoO 36 (composés à l'âge de 15 ans).
  • Les 3 Sonates à l'électeur (composées à l'âge de 12 ans, une musique absolument digne de Mozart à cet âge !). Voici le début du Rondo de la deuxième sonate : .
  • Les Cantates sur la mort de Joseph II et sur le couronnement de Léopold II, deux œuvres composées à 20 ans et qui ont servi de passeport à Beethoven pour son accueil dans la Vienne impériale.
  • Les Recueils de chants populaires (écossais, irlandais et gallois) harmonisés, œuvres alimentaires mais plaisantes.
  • Les Danses WoO 7-8-9-10-11-13-14-15-17-42-83, idem.
  • Le même coffret existe en une version XL (100 CD), le complément étant constitué de 15 CD d'enregistrements historiques.  Vérifiez son prix, il est arrivé qu'il soit inférieur à celui du coffret réduit !  C'est un exemple parmi tant d'autres de la pagaille qui règne au niveau des prix pratiqués par les distributeurs, on y reviendra.
  • Le coffret Chopin (30 CD pour 45 euro) reprend l'intégrale de son œuvre pour le piano essentiellement mais pas uniquement.  Quelques enregistrements historiques sont joints.
  • Le coffret Joseph Haydn a commémoré les 200 ans de la disparition du maître.  Bien que comportant 150 CD, il ne peut prétendre être complet; un deuxième coffret à peine moins épais serait nécessaire à cet effet.  Manquent, en particulier, plusieurs messes et une douzaine d'opéras composés pour la cour d'Esterházy.  Ceux-ci sont cependant disponibles chez Decca, à prix budget, dans l'ancienne, unique et excellente version d'Antal Dorati (parue initialement chez Philips) : 20 CD pour 40 euro.  A ce prix, il m'étonnerait que la licence change à nouveau de propriétaire mais sait-on jamais ?
  •  L'œuvre disponible dans ce coffret est déjà appréciable, à commencer par les 104 symphonies très bien enregistrées par l'Orchestre Austro-Hongrois, sous la direction d'Adam Fischer (licence Nimbus). La musique de chambre (quatuors et trios à clavier) est bien représentée; seules les sonates pour le piano déçoivent.  Il est vrai que la perruque de Haydn exige un pianiste qui décoiffe : pour en faire l'expérience, cassez votre tirelire et procurez-vous une interprétation de Fazil Say ou de Lang Lang (plages 2 à 4), c'est quand même autre chose !
  • Le coffret manquant, celui que l'on attend tous et qui ne vient pas, est celui consacré à Franz Schubert.  Ce météore, mort à 31 ans seulement, a trouvé le moyen d'écrire plus d'un millier d'œuvres.  Rien que rassembler les quelques 600 lieder pose problème et ce n'est pas tout : il faudrait l'intégrale des Quatuors (dont des œuvres de jeunesse imparfaites mais extrêmement plaisantes) et la douzaine d'opéras rarement joués (actuellement seul Die Freunde von Salamanka est disponible chez Brillant sur un CD isolé). 
  • J'imagine que Van Winkel songe à ce projet mais je mesure l'étendue du problème posé (il existe cependant un coffret partiel de 40 CD, très loin de ce qu'on attend).

A côtés de ces coffrets monumentaux que les collègues envieux qualifient de cercueils ramasse-poussière, d'autres coffrets, plus ou moins (in)complets, sont également disponibles. Un lien rompu peut signifier que l'article est temporairement indisponible :

  • Brahms (60 CD/80 euro) où vous trouverez les œuvres pour piano (6 CD) les mélodies rares (6 CD) et les œuvres chorales (8 CD).  Les sous-coffrets sont disponibles séparément mais vérifiez les prix !
  • Grieg (21 CD/35 euro), Peer Gynt ou le Concerto pour piano, opus 16, évidemment mais surtout l'oeuvre pour piano (7 CD), la musique de chambre (3 CD) et toutes les mélodies (7 CD).
  • Mendelssohn (40 CD/33 euro), les symphonies, y compris les symphonies de jeunesse pour cordes, toute la musique de chambre (à découvrir absolument), Elias et surtout Paulus.
  • Enfin, j'ai gardé pour le dessert, les coffrets :
  • Rachmaninov (31 CD/40 euro), un des plus intéressants, avec l'œuvre pour le piano, l'œuvre symphonique et surtout les opéras romantiques, Aleko, Le Chevalier avare, Monna Vanna (inachevé) et Francesca da Rimini, derniers en date d'un genre perdu (Ecoutez les extraits disponibles : CD 7 à 10).
  • Schostakovitch (27 CD/57 euro mais il doit y avoir moyen de trouver mieux) a été publié, en 2006, pour le centenaire du compositeur.  Les symphonies et la musique de chambre y sont incontournables.

Des coffrets, Vivaldi et Haendel, partiels on s'en doute, vu le catalogue pléthorique de chacun, ont paru en leur temps mais je n'en trouve plus trace.  Je soupçonne qu'ils reparaîtront un jour, complétés et surtout relookés, les opéras proposés actuellement n'étant guère dignes de passer à la postérité.

Les coffrets de genres

Le catalogue Brillant propose également un grand nombre d'albums reprenant l'ensemble complet des œuvres écrites par un compositeur particulier, dans un genre donné.  Le lecteur comprendra qu'une énumération détaillée serait fastidieuse.   Je me contenterai de l'aider à s'y retrouver dans ce qui, au rythme soutenu des parutions, s'apparente de plus en plus à une jungle. 

Deux adresses peuvent être consultées en priorité :

  1. joanrecords est le site de la maison mère.  Ce n'est pas un site de vente mais vous y trouverez le catalogue de ce qui est disponible.  En cherchant bien, vous trouverez un index par compositeurs qui vous simplifiera la vie, si du moins vous savez ce que vous cherchez.  Un catalogue au format pdf est également téléchargeable mais méfiez-vous,  il est loin d'être à jour, une négligence inexplicable.
  2. Plus simplement encore, le site allemand, jpc, un site de vente en ligne particulièrement riche, efficace et promotionnel.  Tous labels confondus, il est rare de trouver l'article cherché, moins cher ailleurs dans le monde.  Le service est rapide et sûr; de plus, en Allemagne, en Autriche, en Suisse, en Hollande, en Belgique, au Luxembourg et ... au Lichtenstein, les frais d'envoi sont offerts en moyenne six fois par an.  Je précise que je ne suis pas appointé pour faire la (contre)publicité de quiconque, je compare et j'informe. Faites de même en piochant ici.

Je me contenterai de vous proposer quelques bonnes affaires : des interprétations de valeur, à des prix défiant toute concurrence :

a) Symphonies
  • Beethoven (9) par la StaatsKappelle Dresden, dirigée par Herbert Blomstedt (5 CD, licence Edel).
  • Schubert (9) par le Hannover Band, dirigé par Roy Goodman (4 CD, sous licence Nimbus). Voici le début du deuxième mouvement de la neuvième : .  La 10ème, la vraie inachevée quoique reconstituée, est malheureusement absente.
  • Schostakovitch (15) par le WDR s o, dirigé par Rudolf Barshai (11 CD, incontournable). Début du finale de la sixième : .
  • Mahler (10) par le Radio s o Frankfurt, dirigé par Eliahu Inbal (15 CD, licence Denon),
  • sans oublier, Martinu, Magnard, Prokofiev, Nielsen, Sibelius, Alfven, Clementi, Berwald et tous les grands classiques. Il existe d'ailleurs un coffret qui en reprend un grand nombre (100 CD pour 80 euro) !
b) Œuvres orchestrales
c) Quatuors à cordes
  • Schostakovitch par le Quatuor Rubio (5 CD).
  • Korngold par le Quatuor Flesch (2 CD).
  • Schönberg par le Quatuor La Salle (indispensable !)
  • Et encore : Cherubini, Villa Lobos, Malipiero et tous les classiques.
d) Musique de chambre
  • Fauré par The Nash Ensemble (5CD, sous licence Claves & CRD).
  • Poulenc (4 CD, sous licence EMI).
  • Roussel (3CD, sous licence Olympia) et les classiques.
e) Musique ancienne
f) Piano
  • Beethoven, 32 sonates par John Lill (7 CD, sous Licence Music Delux).
  • Fauré par Jean-Philippe Collard (4CD, sous licence EMI).
  • Debussy et Ravel par Paul Crossley (7 CD, sous licence CRD).
  • Schubert par Michel Dalberto (14 CD, pour 27 euro ! Licence Denon),
  • et aussi, Granados, Mompou, Balakirev, Medtner, Satie, Prokofiev, Scriabine, Messiaen, etc.
  • Klara Würtz, l'épouse de Pieter Van Winkel, avait entamé une intégrale Schumann qui s'annonçait très bien.  Son travail a malheureusement été interrompu par des problèmes de tendinite; seul le volume 1 (3 CD) est paru d'emblée (Début de la première sonate : . En 2013, les parutions reprennent, il semblerait que les tendons de Madame Würtz ne la font plus souffrir et c'est tant mieux.
  • Un coffret particulièrement précieux réunit l'œuvre pour claviers d'Olivier Messiaen (piano mais aussi orgue, par Willem Tanke).  17 CD pour 20 euro, à ce prix et dans une telle interprétation, c'est carrément donné !
  • Enfin, je signale aux amateurs l'œuvre pour plusieurs pianos du minimaliste hollandais, Simeon Ten Holt (1923- ) (11 CD, à découvrir par tous les amateurs du genre).  Cette musique hypnotique ne prenant sens que dans la durée, voici un extrait plus long de la pièce intitulée Ostinato : .
g) Opéra

Wagner est le parent pauvre du catalogue Brillant.  Un Ring est paru en son temps qui ne tenait pas la route; il semble d'ailleurs avoir disparu.  Je ne doute pas que Van Winkel trouvera sous peu une licence plus intéressante.

Brillant a un temps distribué (à ce prix on peut presque le dire ainsi !) des coffrets Verdi, Puccini, Bellini, Donizetti (5 opéras, 10 CD) et Rossini (5 opéras en un acte, 8 CD), reprenant une brochette d'opéras représentatifs de chaque compositeur.  Le coffret Verdi était particulièrement remarquable, proposant une douzaine d'opéras chantés par Carlo Bergonzi, Placido Domingo, Leontyne Price, Rolando Panerai, Grace Bumbry, …, rien que du beau monde saisi au mieux de sa forme.  Cet album a apparemment disparu du catalogue sans que je sache pourquoi, peut-être un problème de licence ? 

J'ajouterai, pour faire semblant d'être complet (à vous de fouiller), une multitude d'enregistrements de mélodies (Fauré, Brahms, Schumann, Messiaen, …), d'œuvres chorales rarement enregistrées (Mendelssohn, Brahms, Schumann, les messes de Schubert, …).

On aura noté que certains albums ne craignent pas de s'aventurer dans des domaines peu fréquentés.  Qui, à part Crésus, pourrait se permettre de s'approvisionner sur les marchés les plus chers afin de découvrir les symphonies de Clementi, de Magnard ou d'Alfven, les quatuors de Malipiero, de Schönberg ou de Villa Lobos ? 

Les archives

Russian Legends
Russian Legends

Van Winkel, jamais à court d'idées, a encore imaginé fouiller les archives des studios d'enregistrements :

  • Les studios soviétiques regorgent, en effet, de trésors jamais diffusés à l'Ouest, permettant d'entendre les Gilels, Oïstrakh, Kogan, Richter, Rostropovitch, Kissin, Svetlanov, Shafran, Tretiakov, Gauk, Mravinsky, Temirkanov, Berman, …, au sommet de leur art. Un coffret (100 CD/60 euro) les réunit : Russian Legends.
  • Les théâtres lyriques ont souvent autorisé des captations qui restituent les splendeurs vocales des années fastes 1950-60 : Maria Callas, Kirsten Flagstad, Elisabeth Schwarzkopf, Boris Christoff and Tito Gobbi, etc.

Ces enregistrements live (parfois de studio) n'ont rien perdu de leur charme et certains sont même entrés dans la légende du 20ème siècle :

  • Norma ou Rigoletto avec Callas dirigée par Serafin.
  • Rozenkavalier avec le tandem Schwarzkopf-Ludwig, dirigé par Karajan.
  • Tristan avec Kirsten Flagstad dirigé par Furtwängler.

Le nerf de la guerre

Que coûte un CD Brillant ? 

Lorsque Brillant rachète à bon compte les droits de réimpression d'enregistrements existants, on comprend qu'il puisse comprimer les prix.  Le point important, c'est qu'il le fasse effectivement : lorsque Decca a racheté les droits sur les enregistrements Philips, il s'en est bien gardé !  Si les choses commencent à changer (cf supra, les opéras de Haydn), c'est précisément parce que la concurrence s'active, précisément sous l'impulsion de Brillant.

Curieusement, lorsque Brillant a commencé à publier ses propres enregistrements (sous licence joan.records), le prix, au départ de l'usine, était à peine supérieur (Ce n'est plus tout à fait le cas actuellement, cf infra).   Ce n'est que lorsque les albums parvenaient dans les bacs des distributeurs que leur prix variait du simple au triple ! 

Prenons un exemple, frappant mais caractéristique : l'intégrale des 15 symphonies de Schostakovitch dans l'excellente interprétation de Rudolf Barshai.   Kruidvat a lancé ce coffret à 17 euro !  C'était une aubaine pour un album qui a reçu les acclamations des commentateurs de tous bords.  L'intégrale n'est sans doute pas parfaite à tous points de vue - aucune autre ne l'est d'ailleurs - mais pour un prix dérisoire, elle vous garantit des années de bonheur musical !

Actuellement et hors promotions éventuelles, cet article se vend chez : Amazon.com à 63 $, Amazon.fr de 37 à 56 euro, Abeille Musique à 39 euro, Fnac Montpellier à 53 euro et jpc à … 20 euro. Cet exemple n'est nullement une exception : les 10 symphonies de Mahler par Eliahu Inbal coûtent 30 euro chez jpc, 60 euro à la Fnac Montpellier, 59 $ chez Amazon.com, 44 euro chez Abeille.  Je pourrais continuer comme cela à l'infini. Ces prix sont indicatifs car ils fluctuent en permanence plus fort que les cours de bourse.

Comment convient-il d'interpréter ces différences ?  Un élément de réponse figure dans les explications - un brin candides - que le patron d'Abeille Musique a fournies, en son temps, à un journaliste, confessant qu'au prix où il le vendait, le coffret Mozart avait suffi à quadrupler son chiffre d'affaires annuel et triplé son résultat.  Comprenez que cette opération lucrative fut possible à une époque où les mélomanes français découvraient des prix incroyablement bas sans se rendre compte qu'ils l'étaient encore plus en Hollande (Kruidvat) et surtout en Allemagne (jpc).  Aujourd'hui, c'est sans doute plus difficile, les gens commencent à s'intéresser à ce qui se passe en dehors de leurs frontières et les marges d'abus se réduisent : le coffret Mozart s'achète à 79 euro chez Abeille pour 60 chez jpc.

Une chose est sûre en tous cas : lorsqu'un album est vendu deux fois plus cher, les artistes n'en retirent rien.  Seront-ils consolés d'apprendre qu'ils ne sont pas seuls dans ce cas ?  Dans les entreprises qui vendent une technologie innovante, ce sont rarement les génies du laboratoire qui se couvrent d'or mais plutôt les commerciaux qui se débrouillent pour vendre au mieux un produit que souvent, ils ne comprennent même pas.  Il en sera ainsi tant que la société n'aura pas refait l'inventaire de ses valeurs.

Naguère, l'industrie du CD classique était presque exclusivement aux mains de quelques labels dominants, DGG, EMI, Decca, Philips, etc, qui tous, déclaraient perdre de l'argent.   La variété renflouait, parait-il, le navire du classique, un peu comme les assurances vies renflouent le secteur des accidents de roulage.   Une autre vérité, c'est que ces labels construisaient leur empire sur les noms de quelques stars devenues gourmandes, les producteurs et les distributeurs n'étant pas en reste.  Il y a cinquante ans, les "fauchés" que nous étions presque tous, devaient résister au mirage des orchestres slovaques de seconde zone jouant les symphonies convoitées.  Ceux qui voulaient "leur Karajan, cru 1977" dans Beethoven - on les comprend -  devaient payer le prix fort : 10 euro par disque LP, une fortune pour l'époque : DGG pavoisait et Karajan se pavanait en jet privé.  Aujourd'hui, nous sommes entrés dans une autre époque : les stars sont concurrencées par une pléiade de jeunes musiciens dont on découvre qu'ils ont aussi du talent.  Il me paraît sain qu'une firme comme Brillant mise sur eux en leur proposant un contrat certes limité dans le temps mais qui leur donne une occasion de se faire connaître. 

Brillant a introduit un peu d'air frais dans un système qui commençait à sentir le moisi.   On découvre aujourd'hui que "compression des prix" et "répertoire élargi" peuvent parfaitement rimer avec "rentabilité".  Les Hollandais sont des gens pragmatiques et durs en affaire; on ne leur fait pas facilement prendre des vessies pour des lanternes.  Certes, le procédé de rachat des licences ne fait pas que des heureux.  Certains interprètes, étrangers au projet "Brillant", n'apprécient guère - on les comprend - que leurs anciens enregistrements connaissent une nouvelle diffusion sans qu'ils puissent réclamer quoi que ce soit au titre de droits d'auteurs. Sigiswald Kuyken a fort justement déploré cet état de chose lorsque ses opéras avec la Petite Bande ont été incorporés au coffret Mozart mais Brillant n'y est spécifiquement pour rien : il n'aurait pas reçu un meilleur traitement de la part d'une autre firme.  Les méandres des tractations commerciales sont, de fait, rarement profitables aux artistes qui ne s'entourent pas d'un cabinet d'avocats.  Evidemment s'ils le faisaient, on présume qu'ils ne seraient pas artistes !

Epuisant progressivement les réserves d'enregistrements abandonnés par d'autres labels, Brillant accentue ses propres productions et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il ne cède pas à la facilité en publiant des albums exigeants : Album Hanns Eisler (10 CD), Oeuvres pour clavecin de Jean-Henri d'Anglebert, The London Manuscript de Silvius Leopold Weiss (12 CD incontournables !), la Musique de chambre de Richard Strauss (9 CD), L'oeuvre de Joaquin Rodrigo (21 CD), celle de Frescobaldi (17 CD), etc, je vous le répète fouillez ici.

Est-ce un bémol ou une normalisation ? Actuellement (2014), Brillant vend ces nouveaux enregistrements plus chers, vers 7 euros, un prix qui tente de s'aligner sur la concurrence directe, le label Naxos. L'avenir nous dira si c'est là que se situe la limite de prix raisonnable du CD classique de pointe.