Faits divers

Une histoire singulière de la musique (I):
De la fin du Moyen-âge à la Renaissance (ca 1100-1600)

Avertissement

Ceci n'est pas une Histoire de la Musique. D'ailleurs il en existe beaucoup et de fort bien faites auxquelles on ne peut reprocher que de passer trop de temps à raconter la vie des grands compositeurs , à en citer les oeuvres principales sans nécessairement les faire entendre. Une Histoire de plus ne serait d'aucune utilité. Voici donc tout au plus une histoire personnelle, comme on en raconte pour faire aimer et comprendre son sujet sans nécessairement craindre l'inévitable incomplétude, pire un zeste de partialité bref un engagement. D'ailleurs je ne crois guère à l'exactitude des faits historiques : combien de fois ne les a-t-on pas entendus, documents à l'appui, jusqu'à ce que de nouvelles découvertes viennent les remettre en question ?

La musique est un langage que tout le monde peut comprendre sans distinction d'aucune sorte. Elle ne demande que l'effort d'ouvrir ses oreilles et son âme si affinité. Dans un monde de plus en plus technologique elle est le contrepoids indispensable à nos cerveaux pour se reposer des sciences omniprésentes : c'est le lieu magique où toutes les propositions se valent à l'abri de la didacture de la Vérité.

La musique a suivi une ligne du temps la faisant passer par tous les stades de l'évolution stylistique commune à tous les arts parce qu'épousant fidèlement la sensibilité selon les périodes historiques, Moyen-Age (haut et bas), Renaissance (haute et basse), Baroque, préclassique et clasique, romantique, moderne, contemporaine et postmoderne. Elle l'a fait avec des nuances qui lui ont été propres en avance ou en retard

De fait elle l'était en particulier dans l'élaboration des instruments de musique mais c'était clairement l'aspect technologique qui était privilégié sauf que le besoin s'est fait sentir d'élaborer une véritable théorie musicale autoome, de plus en plus complexeeet de moins en moins ancrée dans la logique. C'était le prix à payer pour conférer à la musique le statut non plus d'une science mais d'un langage indépendant et universel et capable d'exprimer l'inexprimable tout en s'adressant à tous.

Le lecteur qui souhaiterait en apprendre davantage sur la genèse des musiques médiévale et renaissante consultera avec profit les ouvrages publiés en français, par Jacques Chailley et Serge Gut.

La musique savante, sérieuse ou classique, appelez-la comme vous voulez, est née en France au début du deuxième millénaire, dans le même élan de ferveur qui a animé les bâtisseurs de cathédrales. Ce n'est nullement un hasard si la première oeuvre musicale d'envergure, consciemment conçue avec sans doute l'espoir de durer est une messe complète capable de rivaliser d'égale à égale avec la prière de l'office qu'elle aurait pu se contenter d'accompagner discrètement (Guillaume de Machaut, chanoine au sein du chapitre de la cathédrale de Reims : Messe de Nostre Dame, oeuvre composée entre 1360 et 1365 pour une destination inconnue, l'idée du sacre de Charles V, en 1364, un temps évoquée à cause de la proximité spatio-temporelle, étant aujourd'hui abandonnée). En tolérant voire en encourageant ce qui serait passé pour une dérive sacrilège sous d'autres longitudes, les autorités pontificales ont contribué à jeter les bases d'un Art nouveau représentatif de ce qu'il faut bien se résoudre à appeler l'exception occidentale.

sans doute à la grande joie des nouveaux découvreurs mais aussi à la déconvenue des anciens. D'aucuns la trouveront peut-être incomplète, partiale et engagée, pire fausse à leurs yeux par endroits, mais cela ne me décourage nullement. Je ne crois guère aux certitudes de l'Histoire telle que des générations d'historiens plein de bonne volonté tente de l'enseigner et je doute que la notion de vérité y trouve son meilleur terrain de jeu. Que de fois ne nous a-t-on pas présenté "de bonne foi" tel épisode relatif aux rôles joués par les uns et les autres, par exemple dans le cadre de la Révolution de 1789 et de ses suites dramatiques, avant de rectifier le tir au motif que de nouveaux documents ont fait surface ? Robespierre, un héros ou un triste sire ? Il n'est pas sain de confier la réponse à ce genre de question à des hommes qui ont parfois sans le savoir en tous cas sans l'avouer une arrière pensée politique. Une chose m'a en tous cas toujours paru suspecte dans ce contexte précis, c'est le peu d'honneur rétrospectif que l'on (les historiens mais aussi la République toute entière) a réservé aux membres de la Convention qui ont osé se dresser contre la folie sanguinaire de la Terreur. Tout bachelier connaît (les noms de) Robespierre et Danton mais connaissent-ils autant les complices de la première heure qui ont enfin osé retourner leur veste, au péril de leur vie (Tallien, Louchet, ..., attention pas forcément des enfants de choeur pour autant !) ?

Les historiens ne sont pas seuls à être visés car l'inexactitude est le lot de tous ceux qui ne sont pas mathématiciens si bien que nulle part ailleurs la notion de vérité n'a "véritablement" cours :

  • Les juges ne rendent que la vérité judiciaire et ils se retranchent commodément derrière elle pour justifier les contradictions qui surgissent inévitablement d'un jugement à un autre.
  • Les économistes ne font pas mieux lorsqu'ils proposent un modèle qui s'inscrit en parfaite contradiction avec les modèles concurrents. Les uns assurent "preuves et calculs" à l'appui qu'il est impératif de repousser l'âge de la retraite quand les autres "prouvent" exactement le contraire et le Comité Nobel qui ne s'y retrouve plus depuis longtemps les couronne éventuellement à quelques années de distance.
  • On peut en dire autant des écologistes souvent d'honnêtes idéalistes dont personne désormais ne conteste plus le bien-fondé de leur combat. Malheureusement, ils sont malheureusement fâchés avec la simple arithmétique : même en ayant raison d'espérer supprimer un jour les risques inhérents aux centrales nucléaires ils fon fausse route en pensant les remplacer de sitôt par des énergies douces, le compte n'y est tout simplement pas même en spéculant sur des économies d'énergie aussitôt dépassées par d'autres types de consommation dont nous sommes tous malgré nous complices.

Les musiciens - j'y viens !- ont longtemps espéré une science musicale qui les aurait prémunis contre l'inexactitude : ce fut le mythe antique du Quadrivium qui aurait englobé l'arithmétique, la géométrie, l'astronomie et précisément la musique. Hélas si l'on peut dire il n'en a rien été : la notion de Vérité lui est radicalement étrangère et c'est beaucoup mieux comme cela car c'est elle qui nous protège contre l'intrusion envahissante de la technique. La musique y a aussi recours dans le développemet de son instrumentarium mais cela s'arrête là : au-delà, seule compte l'invention des musiciens qui n'ont de compte à rendre à personne en matière de rigueur. Même la théorie musicale est un recueil de recettes éprouvées où la logique n'a pas sa place.

Note. On note que les historiens, les juges, les économistes et les écologistes sont bien malgré eux menacés de tomber dans le piège de l'idéologie politique. Ils devraient demeurer à l'écart mais ils le font rarement, volontairement ou pas. L'écologie est une science pas une idéologie et c'est une erreur de confier les décisions aux politiciens. C'est le rôle de la science de déteminer ce qui est mieux pour la préservation des écosystèmes et le rôle des politiques doit se limiter à entériner le résultat des recherches en dégageant les budgets nécessaires au détriment probable de secteurs jadis favorisés mais devenus non prioritaires du simple fait que les budgets ne sont pas indéfiniment extensibles. Pour prendre un exemple simple, il a paru être une avancée sociale de proposer aux citoyens un pécule de vacances mais aujourd'hui il paraît insensé que le budget de l'état serve à faire voyager au-delà de frontières raisonnables, en tous les cas ce n'est pas son rôle. La musique n'est pas une science dans la mesure où la notion de vérité n'y joue aucun rôle. Nikolaus Harnoncourt était d'ailleurs d'avis que la contradiction assumée est nécessaire dans le domaine des arts précisément pour équilibrer l'obsession cartésienne de la science.

Les anciens (grecs) ont entretenu l'espoir d'élever la musique au rang des sciences exactes au sens du Quadrivium. Avec le temps l'hypothétique science musicale a bien dû admettre qu'elle n'intégrerait jamais le corpus mathématique d'où elle s'est repliée sur la physique alors en plein développement, singulièreent sa théorie acoustique.De fait elle l'était en particulier dans l'élaboration des instruments de musique mais c'était clairement l'aspect technologique qui était privilégié sauf que le besoin s'est fait sentir d'élaborer une véritable théorie musicale autoome, de plus en plus complexeeet de moins en moins ancrée dans la logique. C'était le prix à payer pour conférer à la musique le statut non plus d'une science mais d'un langage indépendant et universel et capable d'exprimer l'inexprimable tout en s'adressant à tous.

Si la vérité vous préoccupe absolument alors faites des études de mathématiques, vous serez servis. Si vous ne les faites pas ce qui est parfaitement estimable gardez à l'esprit que plus souvent qu'à votre tour vous affirmerez de bonne foi des positions qui sont tous simplement fausses.

Au terme de ce constat pessimiste comment prétendre proposer une Histoire de la Musique ? La réponse s'impose : en demeurant conscient qu'elle sera à coup sûr partielle et partiale mais on la racontant comme on raconterait une histoire et surtout en l'illustrant des musiques qui l'ont balisée, sans en écarter a priori aucune mais en instaurant une très nécessaire échelle des valeurs.

De la musique pour quoi faire ?

 

On dit cet art mort mais il se porte très bien : comme l'a fait remarquer Alex Ross dans deux ouvrages recommandables (The Rest is Noise et Listen to this, traduits en français) le concert s'est transformé au 19ème siècle en office avec ses codes (ponctualité, silence religieux, applaudissements réglementés, etc) mais il est vrai qu'en musique comme en religion on est passé à l'ère des non-pratiquants qui se contente d'une écoute domestique. Ceux qui pensent que le public vieillit se trompent si c'était vrai il serait mort depuis longtemps (gainsbourg : après 50 ans on passe au classique et tant mieux si cela se fait plus tôt : comment attirer un jeune public sans le ringardiser aux yeux de ses camarades ?) le public vieillit mais il se renouvelle en vieillissant et les orchestres rajeunissent et de nombreux labels existent qui

L'improvisation musicale souffre du défaut de n'offrir qu'une musique particulière produite dans l'urgence de celui qui la joue. Elle se distingue de la musique écrite qui implique un auditoire beaucoup plus vaste.

L'émotion ressentie à l'écoute d'un morceau de musique quel qu'il soit n'a pas valeur universelle. Ecoutez cet extrait d'une des dernières sonates de Franz Schubert et dites-moi si vous le trouvez triste, joyeux, consolant, apaisant, ou tout autre chose. Il n'y a pas de réponse universelle à ce genre de question qui du coup perd toute signification sauf pour celui qui l'éprouve. Elle dépend de l'état d'esprit de l'auditeur en ce moment précis. Peut-être une toute autre musique vous convient-elle mieux en ce moment car tout est envisageable sans la moindre honte. Ce qui n'est pas concevable, c'est de se contenter en tout temps d'une réponse commode éprouvée en son temps.

 

La musique possède un statut particulier parmi les arts usuels : dans sa version savante reposant sur une notation élaborée, elle est de conception relativement récente, ne remontant guère au-delà de l'an 1000. Quelques musicologues spécialisés dans les exhumations archéologiques (Cf, par exemple, les travaux d'Annie Bélis et de son ensemble Kérilos) protesteront au motif qu'on possède des (copies de) traités relatifs aux connaissances musicales des grecs et même des fragments notés et gravés dans le marbre mais ce serait ignorer que ces oeuvres antiques sont de facture rudimentaire comparée à ce qu'on a connu en architecture et en sculpture, à la même époque. La musique n'ayant jamais, à cette époque reculée, dépassé le stade de la déclamation homophone, parler ultérieurement, vers 1400, de Renaissance musicale est donc un contresens manifeste : sauf puiser les principes de la construction d'une gamme exploitable dans l'arithmétique pythagoricienne (Cf Gammes et Tempéraments, G&T pour la suite), elle a, en effet, dû s'inventer de toutes pièces sans avoir pu compter sur le moindre illustre modèle antique.

La musique savante est également singulière dans le rapport quasiment fusionnel qu'elle entretient auprès du "grand public" avec deux siècles de passé barocco-classico-romantique : Bach, Mozart et Beethoven en sont les piliers inamovibles et tant pis si les programmes de concert naviguent le plus souvent entre 1715 et 1915.

L'exception occidentale

Cette chronique se concentre uniquement sur la musique développée en Occident au cours du deuxième millénaire et au-delà. ne concerne pas les La sorte de musique qui nous intéresse ici est appelée indifféremment classique, savante ou sérieuse. Bien qu'elle soit la plus répandue, l'appellation "classique" ne semble guère opportune tant elle prête à confusion. Sérieuse conviendrait mieux si seulement le terme ne véhiculait pas une notuion rébarbative. Savante peut paraître prétentieux mais c'est pourtant le seul terme qui rend justice à la somme des efforts demandés aux musiciens, compositeurs et interprètes, pour maîtriser leur sujet. C'est donc celui qui sera utilisé ci-après.

Les sots reprochent à la musique savante son caractère élitiste, s'indignant au passage que les salles de concert ne soient fréquentées majoritairement que par un public vaguement âgé à la peau blanche ou jaune. Que diraient-ils si seulement ils savaient que la dévotion chrétienne est pour beaucoup dans son élaboration ?

Certes la musique telle que nous la connaissons plonge ses racines dans l'antiquité grecque. Bien avant les premiers vrais savants, Euclide (Vers -300), Erathostène (-276, -194), Aristarque (ca -310, -230) et Hipparque (Vers -190, -170), deux philosophes-penseurs-arithméticiens, Pythagore (-580, -495) et Aristoxène (-360, -300), ont réfléchi à l'élaboration d'une théorie musicale qui n'a rien perdu de son actualité, en particulier au niveau des principes de l'élaboration des gammes. Ces penseurs étaient réellement et durablement en avance sur leur temps grâce au fait qu'il ne s'embarrassaient par d'écrire une musique qui n'aurait pas pu concurrencer

Le Moyen-âge n'a guère bonne réputation chez les savants qui se plaignent d'un obscurantisme généralisé. Pendant longtemps seul le Monde Arabe a veillé à ce que la lumière antique soit entretenue y ajoutant sa contribution en particulier en astronomie observationnelle. Ce qui lui a manqué c'est une liberté interprétative des mesures engrangées. Engluée dans des recommandations et des interdits d'un autre âge et loin de les marginaliser, la religion islamique a été une entrave à l'exploitation de ces siècles d'avance initiale. A ceux qui prétendent que la religion chrétienne n'a pas mieux fait (Galilée) on ne peut qu'objecter la force des faits : c'est en chrétienté que les vraies lumières ont éclos (Copernic, Képler et bientôt la cohorte des mécaniciens (Newton, Lagrange, etc). Ceci n'est nullement une digression : la musique occidentale a bénéficié des mêmes concours de circonstances et dès le Moyen-Age elle s'est affirmée en France.

 

La musique savante requiert la mise en oeuvre de réelles compétences dans le chef de ceux qui la composent et qui l'interprètent mais absolument pas de la part de tous ceux mille fois plus nombreux qui ne font que l'écouter. La musique est un langage que tout le monde peut comprendre sans distinction d'aucune sorte. Elle ne demande que l'effort d'ouvrir ses oreilles et son âme si affinité. Dans un monde de plus en plus technologique elle est le contrepoids indispensable à nos cerveaux pour se reposer des sciences omniprésentes : c'est le lieu magique où toutes les propositions se valent à l'abri de la didacture de la Vérité.

Ce n'est nullement un hasard si la première oeuvre musicale d'envergure, consciemment conçue avec sans doute l'espoir de durer est une messe complète capable de rivaliser d'égale à égale avec la prière de l'office qu'elle aurait pu se contenter d'accompagner discrètement (Guillaume de Machaut, chanoine au sein du chapitre de la cathédrale de Reims : Messe de Nostre Dame, oeuvre composée entre 1360 et 1365 pour une destination inconnue, l'idée du sacre de Charles V, en 1364, un temps évoquée à cause de la proximité spatio-temporelle, étant aujourd'hui abandonnée). En tolérant voire en encourageant ce qui serait passé pour une dérive sacrilège sous d'autres longitudes, les autorités pontificales ont contribué à jeter les bases d'un Art nouveau représentatif de ce qu'il faut bien se résoudre à appeler l'exception occidentale.

La musique a suivi une ligne du temps la faisant passer par tous les stades de l'évolution stylistique commune à tous les arts parce qu'épousant fidèlement la sensibilité selon les périodes historiques, Moyen-Age (haut et bas), Renaissance (haute et basse), Baroque, préclassique et clasique, romantique, moderne, contemporaine et postmoderne. Elle l'a fait avec des nuances qui lui ont été propres en avance ou en retard