Faits divers

Petit glossaire de théorie musicale

La musique théorique est le parent pauvre de la vulgarisation. Dans tous les domaines même les plus scientifiquement pointus, des spécialistes ont tenté d'élever le niveau de compréhension d'un public avide de comprendre. Voici quelques exemples fameux concernant le domaine de la physique du 20ème siècle :

Quel rapport avec la musique, ne peut-on se satisfaire d'en jouer si on le peut et d'en écouter sinon ? Bien sûr qu'on peut tout cela mais c'est au prix de passer à côté de quantité d'informations qui si elles n'apportent rien à la qualité d'écoute permettent au moins d'en apprendre sur la difficulté qu'a eu le compositeur à la concevoir et si possible sur ses intentions dans sa façon d'écrire. La situation n'est guère différente lorsqu'on arpente un musée : on peut parfaitement déambuler seul à son aise en ne s'attardant que sur les quelques toiles qui nous intriguent ou nous touchent dans l'urgence mais on peut également souhaiter en apprendre davantage sur la technique de leur réalisation, des détails qui ne sont inscrits nulle part sur la toile. Les guides servent à cela.

Des guides musicaux existent également mais ils sont incomplets ou incompréhensibles parce que les bases théoriques manquent. Or ces bases les musiciens eux-mêmes ne les acquièrent que péniblement et il ne faut pas compter sur eux pour en transmettre une version même simplifiée à un public qui n'a qu'à écouter. Ce point de vue condescendant consiste à convaincre l'auditeur que le sujet est bien trop complexe et pour tout dire hors de sa portée. Il est commode mais fort peu instructif.

Il ne faut pas confondre théorie musicale et analyse musicale :

Pour l'espèce humaine, l'Art en général, la Musique en particulier, est l'antidote nécessaire aux pouvoirs exhorbitants de la science et de la technologie, des domaines où les notions de logique, de vérité et de conformité à la réalité expérimentale réclament en permanence leurs droits. En science, on ne peut pas dire n'importe quoi, il existe des règles qu'il faut respecter si l'on veut éviter la sanction des faits. En Art, cette contrainte n'existe pas, on peut dire tout et son contraire ce qui ouvre un domaine d'évasion nécessaire à notre équiibre. La musique, en particulier, ne réclame aucune compétence particulière sauf, si elle est bien choisie, celle de vibrer est capable de réparer les âmes blessées dans un monde souvent hostile et déshumanisé. C'est le domaine des émotions qui par bonheur ne sont pas formalisables dans quelque théorie que ce soit.

Voilà pourquoi l'analyse musicale des oeuvres complexes se heurtera toujours à un mur : si ce n'était pas le cas on pourrait imaginer la formaliser et avec elle toute la musique qui s'en trouverait composable aux mains d'une intelligence artificielle. Par bonheur cela n'arrivera sans doute jamais pas plus qu'on ne produira de traducteur fidèle il subsistera toujours des recoins qui échappent aux logicieles les plus sophistiqués : ceux-ci seront certes capables d'imiter mais pas de créer. Nier cela c'est réduire à néant l'idée même du génie artistique.

Cela ne signifie nullement que l'analyse musicale soit inutile mais qu'elle se réduit le plus souvent à un décodage astucieux tel celui qu'utilise un guide compétent pour analyser les détails d'une peinture. Les musiciens et/ou les musicologues sont hélas avares de ce genre d'éducation commentée : ils considèrent avec quelque dédain que le grand public peut se contenter d'écouter car tenter d'expliquer entraînerait trop loin dans des considérations impossibles à vulgariser. Note. Leonard Bernstein a été une exception valeureuse dans le cadre de ses Concerts didactiques et plus près de nous, Daniel Barenboim a livré quelques échantillons dans son analyse des symphonies de Beethoven à la tête de son East-Divan Orchestra. Le début de la 4ème est particulièrement intéressant où il met en avant l'incertitude tonale de la longue introduction : affichée en sib majeur il est clair que le nombre de ses altérations passagères est tel qu'on pourrait tout aussi bien considérer qu'on se trouve en ???. Cette ambiguîté tonale n'existe évidemment que dans la tête de celui qui fait une confiance aveugle à la théorie en vigueur mais elle a au moins le mérite d'expliquer les méandres de la pensée du compositeur qui cherche une issue à une introduction qui ne semble mener nulle par jusqu'à ce qu'éclate avec force le motif de l'allegro affirmé en sib majeur. Un autre exemple détaille la magie qui opère en plein adagio de la 9ème lorsqu'on passe de ???.

La théorie musicale est depuis longtemps affaire de musiciens et la logique y a été malmenée plus souvent qu'à son tour. Cela ne semble émouvoir personne ou presque car de toutes façons les seuls qui sont encore capables d'en juger ont miraculeusement franchi l'obstacle de son apprentissage éventuellement à un âge étonnamment précoce. Pourtant cette théorie est aussi affaire de pédagogues, dont la mission doit être d'élaguer et d'éclaircir sans brader bref de faciliter l'accès aux subtilités de l'écriture musicale. Les réflexions (im)pertinentes qui suivent sont issues d'une relecture de trois ouvrages aussi différents qu'essentiels : Théorie de la Musique, le grand classique d'Adolphe Danhauser, le cours dispensé en Sorbonne par Jacques Chailley et le recueil des écrits publiés au long de sa vie par Arnold Schönberg et rassemblés dans un ouvrage absolument essentiel "Le Style et l'Idée". Le premier a fixé de belle manière l'orthodoxie de l'enseignement du solfège, le deuxième ne s'est pas gêné pour en épingler les nombreux contresens et le troisième a été beaucoup encore plus loin en montrant que nombre d'affirmations tenues pour indiscutables ne le sont en rien.

Allemagne
Adolphe Danhauser

Adolphe Danhauser (1835-1896) est un musicien français, dont le seul succès avéré, en composition, est un second Prix de Rome, en 1863. En 150 ans, plus personne n'a entendu la moindre note de lui, en particulier de l'un de ses drames lyriques, "Le proscrit" ou "Maures et Castillans", et il est peu probable que cela se produira un jour. Monsieur Danhauser est pourtant universellement célèbre dans la communauté des musiciens francophones pour avoir publié, en 1872, une Théorie de la Musique, dont le succès ne s'est jamais démenti. Réédité en 1996, cet ouvrage a bénéficié des améliorations apportées par quelques auteurs qui ont su préserver la limpidité de l'exposé primitif. Sa forme en est en tous points admirable : je connais peu d'exposés aussi clairs d'une matière pas toujours simple. Car la musique a son langage et celui-ci possède toutes sortes de particularités propres aux langages fiers de leurs singularités, qu'ils considèrent comme autant de richesses intouchables. Je ne vais évidemment pas refaire l'article puisque je serais parfaitement incapable de faire ne fut-ce qu'aussi bien. Pourtant j'ai eu envie d'y mettre mon grain de sel car par endroits, la théorie exposée par Monsieur Danhauser se répand dans des explications qui interpellent, non pas qu'elles soient obscures mais plutôt qu'elles empruntent des détours tels qu'on se demande comment les élèves même motivés ne se perdent pas en chemin. Ce commentaire n'est pas un résumé de l'ouvrage complet : cela n'aurait aucun sens de redire plus mal ce que l'auteur a dit si bien. Il propose plutôt un regard distancié, provocateur ou zélé, qui n'a d'autre but que de prendre quelques distances avec une théorie qui embrouille parfois plus qu'elle n'éclaire, sur le fond s'entend car je le répète sur la forme Monsieur Danhauser a été parfait. Il n'est donc pas question de reprendre la théorie ine extenso mais plutôt d'éclairer différemment les sujets qui méritent d'être connus mêm des profanes.

Jacques Chailley
Jacques Chailley

Jacques Chailley (1910-1999) est un musicien français qui s'est davantage imposé comme musicologue que comme compositeur. De ses oeuvres composées, on n'a retenu qu'une Symphonie en sol mineur écrite dans l'esprit d'Albert Roussel et qui mériterait un enregistrement (plus) moderne. Il est beaucoup mieux connu comme auteur de nombreux ouvrages dont une mémorable étude sur la musique au Moyen-Age, un sujet qui lui convenait d'autant mieux que la France y a régné sans grand partage. Ses leçons en Sorbonne ne nous sont parvenues que sous la forme de polycopiés et ils doivent être accessibles dans toute bibliothèque qui se respecte.

Arnold Schönberg
Arnold Schönberg

Arnold Schönberg (1874-1951) n'est certainement pas le compositeur le mieux aimé du 20ème siècle mais il est sans conteste le plus important par sa conception révolutionniare de l'harmonie. Le public tarde à apprécier la diversité de son oeuvre et les organisateurs de concerts ne les aident guère en cela, ne programmant que peu d'oeuvres, c'est un bel exemple de cercle vicieux.

Leonard Bernstein
Leonard Bernstein

Leonard Bernstein (1918-1990) a consacré une part non négligeable de son temps à vulgariser la théorie musicale afin qu'elle soit apportée au aplus grand nombre (Omnibus lectures et Young Peoples Concerts). Toutefois c'est le cycle plus ambitieuc des Norton Lectures qui nous intéresse ici plus particulièrement.

La double portée

Autant prévenir, même dans son exposé le plus élémentaire qu'on nomme solfège, rien n'est déjà simple. Les latins ont conservé le nom des notes préconisées, vers l'an 1000, par le moine Guideo d'Arezzo : à quelques entorses près, justifiées par le besoin d'euphonie en solfiation (ut donnant do et SJ donnant si), il a utilisé la première syllabe des vers de l'Hymne de St Jean-Baptiste (Ut queant laxis, Resonare fibris, Mira gestorum, Famuli tuorum, Solve polluti, Labii reatum, Sancte Johannes). La séquence, do, ré, mi, fa, sol, la, si(, do, etc), définit l'ordre naturel des fréquences croissantes. Cette suite étant cyclique, d'octaves en octaves, il importe peu de quelle note on part mais il est manifeste que le do joue en théorie un rôle de leader dans la mesure où la gamme de do majeur est l'archétype du genre. Leader, je ne devrais pas dire cela car les anglo-saxons désignent les notes par des lettres de l'alphabet, A, B, C, D, E, F, G(, A, etc). A n'est pas "do", ce serait trop simple, il est "la", sinon la suite se poursuit en parallèle (Les allemands pour une fois font encore plus compliqués, remplaçant B par H et réservant le B pour désigner une altération au sein d'une nomenclature tarabiscotée qui n'a manifestement pas pu être validée par Descartes). le diapason est fixé par une note de référence que tout le monde identifie à un la particulier, celui de l'octave n°4 dans la convention internationale. Pour une fois, ce sont les anglo-saxons qui sont respectueux de l'ordre car les latins situent le la dans l'octave n°3. Donc quand les musiciens de l'orchestre s'accordent le hautbois donne le "la" ou le "A". Le cycle des quintes doit commencer au fa (donc à F) si vous voulez retarder au maximum l'apparition des altérations. Les musiciens collectionnent les clés comme d'autres les timbres postes. La plus enseignée ne disons pas la plus simple car rien ne ressemble plus à une clé qu'une autre clé est la clé de sol dite 2ème ligne parce que c'est là qu'elle est placée sur la portée ordinaire. Pourquoi pas, il fallait bien la mettre quelque part et la position respecte l'ambitus moyen des instruments usuels. Là où les choses se compliquent c'est lorsqu'on mélange des clés différentes.

La double portée

Les musiciens collectionnent les clés comme d'autres les timbres postes. Le principe de base semble louable : il s'agit de permettre l'insertion des notes sur une portée unique quelle que soit la tessiture de l'instrument auquel elles sont destinées. On a ainsi défini des clés de sol, de fa et d'ut et comme si cela ne suffisait pas, on a même imaginé les placer sur l'une ou l'autre ligne. La collection de clés la plus complète connue à ce jour date du 19ème siècle, où on en dénombrait pas moins de ???.

Le sommet de la fantaisie a été atteint le jour où on a imaginé de noter différemment les portées relatives aux mains gauche et droite du répertoire pianistique.

Les pianistes en herbe sont très tôt confrontés au problème de la double portée. Celle-ci sépare les notes réservées aux mains gauche et droite. Les plages fréquentielles couvrent habituellement au minimum trois octaves que les deux mains se partagent sauf entrelacement.

Cycle de 21 quintes
Double portée usuelle

La notation musicale s'est constituée sur le principe d'une lecture graphique immédiate. Confrontée au problème de gérer un empilement de lignes qui, sans précaution, s'avérerait vite ingérable pour un cerveau normalement constitué on a imaginé un système de clés. Passe encore pour des instruments très particuliers comme le cornet à piston il est tout à fait étrange qu'on ait retenue une clé de fa à la main gauche et une clé de sol à la main droite et c'est d'autant plus étrange qu'il n'y a qu'un ton d'écart entre le fa et le sol ! Autrement dit utiliser deux clés de sol ne coûterait qu'une seule ligne intercalaire supplémentaire.

La double portée solidaire n'est jamais représentée telle quelle : il est d'usage de les séparer quitte à ajouter des lignes supplémentaires qui font nécessairement double emploi mais qui permettent de séparer l'ordonnnace des notes relatives à chaque main. Cette option est parfaitement défendable et, après tout, les pianistes savent ce qu'ils veulent, ils sont les premiers concernés. Mais précisément cela explique encore moins pourquoi on s'est privé de la facilité d'utiliser une même clé pour chaque portée.

Cycle de 21 quintes
Double portée modifiée

On ne me fera pas croire qu'il est plus simple de dissocier les clés que de positionner mentalement une deuxième ligne intercalaire (d'autant plus que les portées sont en pratique effectivement dissociées sans faire état des lignes - en traits interrompus sur la figure ci-contre - qui feraient le lien naturel entre les deux) : le confort de lire les mêmes (noms de) notes aux mêmes emplacements n'a pas de prix et respecte d'ailleurs bien mieux le principe de lisibilité à vue.

 

Il semble inutile d'épiloguer sur cette subtilité qui semble mineure aux yeux de ceux qui pensent qu'il serait encore plus opportun de supprimer complètement la notion de clé

Modalité et (a)tonalité

La notion de mode est importante en musique mais il est probable que si l'on pose la question de savoir ce qu'est un mode à un panel de musiciens de tous niveaux, on peut s'attendre à recevoir toutes sortes de réponses différentes, de quoi s'y perdre. L'une des sources de confusion provient de ce que la notion de mode est (très) ancienne et qu'elle a progressivement changé de signification. A l'examen, deux conceptions très différentes se dégagent qu'il importe de ne pas confondre. L'une repose sur l'examen des modes anciens et l'autre découle des restrictions auxquelles on peut soumettre la gamme chromatique complète.

https://sites.google.com/site/theoriedelamusique/les

Les modes dits anciens sont au nombre de 7. Bien qu'on les appelle également modes grecs, aucune certitude n'existe quant à leur origine véritable et l'idée que nous en faisons est reprise du premier document qui les mentionne, le Dodecachordon d'Heinrich Glaréan (1567) est-ce bien sûr ???. Leur rapport aux modes dits ecclésiastiques et grégoriens n'intéressent que les historiens de la musique et éventuellement les spécialites du plain chant. Le mode ancien basique est le mode ionien (encore appelé mode de do), il a servi de modèle au futur mode majeur. La succession de ses intervalles respecte le canevas défini par un cycle pythagoricien de 8 quintes ascendantes successives au départ de la note fa. Les notes réordonnées dans l'ordre des fréquences croissantes livre la suite d'intervalles, TTtdTTTtd (que certains notent 2212221 avec l'inconvénient de ne pas attirer l'attention sur le fait que le demi-ton, noté 1, est diatonique, cf les exemples ci-après). En théorie modale, une gamme s'obtient en appliquant l'un des modes retenus au départ d'une note initiale appelée tonique. La gamme de do majeur, qu'on pourrait appeler gamme de do en mode ionien ou plus sûrement gamme de do en mode de do, applique donc cette succession au départ de la note de référence, "do", encore appelée tonique, soit, do, ré, mi, fa, sol, la, si, (do). Si on change de tonique, par exemple en partant de ré, en gardant le canevas ionien, on génère la gamme de ré majeur (= gamme de ré en mode de do ou encore gamme de ré en mode ionien), soit : ré, mi, fa#, sol, la, si, do#, (ré), soit deux dièses à la clé, nécessairement fa# et do#, en suivant l'ordre des dièses. Notez le choix obligatoire des notes anharmoniques fa# et do# (et non pas solb et réb, qui ne respecterait pas le demi-ton diatonique). Les autres modes anciens se définissent par simple permutation circulaire des intervalles (le mode de si n'est pas d'origine ancienne, il n'a été inventé que tardivement); on a le tableau suivant des canevas :

Mode ancien Canevas
Ionien (Mode de do) TTtdTTTtd (=2212221)
Dorien (Mode de ré) TtdTTTtdT (=2122212)
Phrygien (Mode de mi) tdTTTtdTT (=1222122)
Lydien (Mode de fa) TTTtdTTtd (=2221221)
Myxolydien (Mode de sol) TTtdTTtdT (=2212212)
Aeolien (Mode de la) TtdTTtdTT (=2122122)
Locrien (Mode de si) TtdTTtdTTT (=1221222)

On note en passant que seul le mode de ré est symétrique quant à l'emplacement du demi-ton, autrement dit qu'il peut indifféremment être décliné de façons ascendante ou descendante d'où une perte du phénomène attractif le rendant neutre. Chez les grecs (comme dans la tradition japonaise) les gammes étaient déclinées de façon descendante alors que depuis le Moyen-Age, la tendance est de les décliner en mode ascendant (do-ré-mi- etc, quitte à redescendre ensuite). Serge Gut considère cette transition comme aussi importante que le recours à la polyphonie.

Il y a une subtilité dans l'utilisation de ces modes anciens. Construisons, par exemple, la gamme de do en mode de ré : on part de do et on applique le schéma des intervalles, TtdTTTtdT. Cela donne la gamme, do, ré, mib, fa, sol, la, sib, (do). Notez, à nouveau, le choix obligatoire des notes anharmoniques mib et sib (et non pas ré# et la#, qui ne respecterait pas le demi-ton diatonique).

En résumé, il existe 7 modes anciens qu'on peut développer au départ de l'une quelconque des notes naturelles (ou chromatiques) prise comme tonique. En tout cela fait pas mal de possibilités de gammes modales en fonction de l'étendue du spectre que l'on adopte comme tonique. Il y a lieu de noter que les notes constitutives de chacune de ces gammes ne diffèrent pas toutes pour autant, elles sont bien trop nombreuses pour les possibilités existantes. Les calculs peuvent être faits une fois pour toutes et les résultats sont particulièrement simples basés sur l'ordre qui règle le cycle des quintes. On rappelle ci-dessous qu'il déroule en séquence infinie la suite fa, do, sol, ré, la, mi, si, en doubles bémols, simples bémols, bécarres (pas d'altération), simples dièses et doubles dièses, soit :

… sibb fab dob solbb lab mib sib fa do sol ré la mi si fa# do# sol# ré# la# mi# si# fa## do## sol## ré## la## …

La séquence soulignée définit une fenêtre qui affiche les notes constitutives des gammes de X en mode de Y, où X désigne n'importe quelle note jouant le rôle de tonique. Si l'on veut connaître les notes constitutives de la gamme de X en mode de Y, on procède simplement comme suit : on situe X et Y dans la suite des quintes ci-dessus et on calcule Δ = pos[X]-pos[Y], le nombre d'intervalles les séparant (compté positivement si X est situé à droite de Y et négativement sinon. Il reste à déplacer la fenêtre de Δ cases (vers la droite s'il est positif et vers la gauche sinon) pour répondre à la question. Voici deux exemples pour fixer les idées :

- gamme de la en mode de sol (myxolydien) : Δ = +2 donc déplacer la fenêtre de deux cases vers la droite (sol ré la mi si fa# do#, soit en commençant par la tonique et en poursuivant dans l'ordre ascendant, la, si, do#, ré, mi, fa#, sol). Un raccourci mental est possible si l'on se souvient de l'ordre d'apparition des dièses dans le cycle des quintes (fa, do, sol, ré, la, mi, si) : Δ = +2 implique deux dièses, nécessairement fa# et do# et on complète la gamme par les notes naturelles manquantes.

- gamme de mib en mode de do (ionien) : Δ = -3 donc déplacer la fenêtre de trois cases vers la gauche (lab mib sib fa do sol ré, soit en commençant par la tonique et en poursuivant dans l'ordre ascendant, mib, fa, sol, lab, sib, do, ré). Le calcul mental est également possible lorsqu'on se souvient de l'ordre d'apparition des bémols dans le cycle des quintes (si, mi, la, ré, sol, do, fa) : Δ = -3 implique trois bémols, nécessairement sib, mib et lab et on complète la gamme par les notes naturelles manquantes.

La gamme mineure naturelle (ou ancienne) coïncide avec le mode aeolien. Le mode aeolien dérivant du mode ionien par 5 permutations circulaires successives dans le sens direct, il en résulte que les notes utilisées en la mineur (naturel) - simple exemple - sont les mêmes qu'en do majeur, en particulier les armures coïncident. Le mode aeolien présente cependant un inconvénient du fait que la sensible (l'avant-dernier degré) est distant de la tonique à l'octave d'un ton entier, ce qui nuit à l'attractivité bienvenue dans la conclusion d'un morceau. La gamme mineure harmonique, réellement utilisée, relève donc l'avant-dernier degré d'un demi-ton diatonique ce qui donne le canevas aeolien modifié, TtdTTtd(T+td)T = 2122131. Cette altération introduite artificiellement n'est pas consignée dans l'armure; on la dit accidentelle un terme consacré par l'usage mais de toute évidence mal choisi. On parle dans ce cas de modes altérés.

Note. Rien n'étant jamais simple en théorie musicale, les chanteurs se sont plaints que l'intervalle de trois demi-tons était sinon inchantable en tous cas disgracieux. On a dès lors défini la gamme mineure mélodique (ascendante), TtdTTTTtd = 2122221. On a les portées suivantes.

Gammes de la mineur
Gammes de la mineur

Il existe sur le papier un très grand nombre d'autres modes qui sont tous des restrictions de l'ensemble des notes chromatiques. Parmi les modes réellement utilisés, signalons le mode hexatonique par tons entiers, de canevas, TTTTTT, qui donne la gamme suivante (ne comportant que 6 notes) au départ de la tonique, disons do : do, ré, mi, fa#, sol#, la#. La symétrie induite par la succession de tons identiques a pour conséquence que les permutations circulaire de leur canevas demeure sans effet, on parle d'un mode à transposition limitée. Le mode octatonique, de canevas alterné, TtdTtdTtdTtd, est également à transposition limitée du fait que l'alternance stricte des tons et des demi-tons n'autorise qu'une seule variante par permutation circulaire, tdTtdTtdTtdT. Les musiques non classiques (persanes, andalouses, etc) utilisent bien d'autres modes encore.

Une partition est un ensemble ordonné de notes (et de signes divers de ponctuations) prélevées dans un alphabet universellement admis. Toute suite de notes n'est pas recevable musicalement parlant : par exemple une suite aléatoire ne présente aucun intérêt. Il faut donc, d'une manière ou d'une autre, restreindre l'ensemble des notes. Une restriction envisageable consiste à ne pas utiliser toutes les notes au sein d'un morceau mais de s'en tenir à quelques-unes bien choisies pour leur affinité. Une gamme est précisément un sous-ensemble de l'ensemble des notes disponibles dont les notes constitutives partagent une propriété définie. Cette définition pour ainsi dire mathématique a pour conséquence que le nombre des modes possibles est a priori infini. Tous ne sont cependant pas de valeurs musicales égales et c'est évidemment l'expérience et la pratiqu des musiciens qui a contribué à sélectionner quelques modes particulièrement porteurs.

L'alphabet musical est constitué de notes corrspondant à des fréquences bien définies une fois le diapason fixé pour l'une d'entre elles (la4). L'espace des fréquences n'est pas continu comme il l'est en peinture où toutes les nuances de couleurs sont permises vu l'étroitesse du spectre visible (pas mêm une octave). Il est au contraire discret selon une échelle logarithmique et les notes sont les pixels qui partitionnent l'espace sonore. Même en considérant l'ensemble des notes répertoriées, il est rare pour ne pas dire inexistant qu'on les utilise toutes. Choisir un mode c'est restreindre cet ensemble à un sous-ensemble respectant un critère donné. La musique de l'époque classique a privilégié les modes majeur et mineur (harmonique et mélodiques dérivés) qu'elle a retenus pour leur consonance toute particulière mais les périodes ultérieures ont éventuellement exploré d'autres modes (Debussy dans les modes par tons entiers et Messiaen dans les modes à transpositions limitées). Les modes classiques (majeur et mineurs) tirent leur harmonie de leur organisation autour d'un centre tonal, la tonique, qui joue en rôle attracteur. les mlois de l'harmonie classique qui reposent sur ces phénomènes d'attractions sonores, ont été progressivement remis en question à l'époque romantique : Liszt puis Wagner ont largement contribué à libérer le discours tonal vers des modulations tellement fréquentes qu'il ne faisait guère plus de sens d'encore y insister. Une évolution était inéluctable vers ce qu'on a appelé l'atonalité libre. Schönberg a été le premier à reconnaître cette nécessité et la mettre systématiquement en oeuvre, à partir des années 1913 ??. Cette évolution a été fort mal reçue par le public qui ne voyait pas la nécessité d'abandonner les vieilles recettes et cependant l'atonalité libre est encore bien sage comparée à ce qu'elle deviendra 10 ans plus tard sous la plume du même Schönberg : le principe de la série est une autre manière de contraindre le choix des notes mais il n'était pas évident que c'était la meilleure idée du monde : 80 ans plus tard la sentance est tombée et la néotonalité ou plutôt la modalité a refait une apparition en force sous la forme du retour vers davantage de consonance.

 

Il est rare qu'un mouvement de sonate, de quatuor ou de symphonie se déroule dans une tonalité immuable. Des transitions existent destinées à introduire autant de diversions qui rompent la monotonie.

L'arm(at)ure

Tout épisode de musique tonale se déroule dans une tonalité spécifique (majeure ou mineure) que l'on précise en tête de portée. Comme il est clair d'emblée que certaines notes sont systématiquement affectées d'une altération en dièse ou en bémol, la notation musicale traditionnelle prévoit de les mettre une fois pour toutes en évidence à la clé, ce qui constitue l'armure (ou armature). On ne fait rien d'autre, en algèbre, lorsqu'on remplace 2a+2b+2c+... par 2(a+b+c+...). Tout débutant doit par conséquent apprendre à répondre aux questions élémentaires suivantes : 1) Combien d'altération(s) faut-il mettre en évidence à la clé si on souhaite écrire un morceau dans une tonalité (majeure ou mineure) donnée et lesquelles ? 2) Etant donnée une armure dans quelle tonalité se trouve-t-on ?

L'ouvrage de Monsieur Danhauser répond évidemment à ces questions mais comme il a prévu de s'adresse parfois à de jeunes enfants, il ne craint pas le ton du catéchisme qui ne s'embarrasse d'aucune justification logique. Or celle-ci existe, vous en trouverez les raisons dans la chronique antérieure relative aux Gammes & Tempéraments. Pour peu que vous disposiez d'une bonne mémoire visuelle, le cycle des quintes déployé sur un axe linéaire répond instantanément aux questions posées :

Suite de quintes
Détermination de l'armure des tonalités (Majeures et mineures naturelles)
Armure de ré M ou de si m
ré M ou si m ?

Pour trouver l'armure correspondant à une tonalité majeure donnée, il suffit de faire glisser la fenêtre inférieure de telle façon que la lettre M se trouve en face de la tonique (ré dans l'exemple) et de prendre note des altérations présentes. Dans l'exemple ce sont deux dièses (fa et do) qu'il est d'usage de noter, de gauche à droite dans l'ordre ascendant des dièses, sur la quatrième octave de la portée. La même armure vaut pour la gamme mineure relative, si mineur dans l'exemple; il suffit que la lettre m soit positionnée en face de la nouvelle tonique. Le raisonnement est parfaitement réversible qui permet lorsqu'on connaît le nombre d'altérations de repositionner la fenêtre. Dans ce cas il subsiste une ambiguïté car la méthode ne permet pas de différencier les tonalités majeure ou mineure (nécessairement relatives). Dans l'exemple la simple inspection de la fenêtre mobile ne distingue pas les tonalités de ré M et de si m. Seule l'analyse du contenu musical de la partition permet de trancher entre ces deux options (cf infra).

Bien que la méthode proposée soit tout à fait générale vous noterez que la grille affichée ne va pas au-delà des tonalités dobM (ou labm) - 7 bémols - ou du côté des dièses des tonalités de do#M (ou la#m) du côté des dièses. Une tonalité du genre si#M ferait intervenir des doubles dièses ce qui n'est pas usité.

Si la mémoire visuelle n'est pas votre fort, sachez qu'il existe une réponse mathématique (élémentaire, pas de panique !) tout aussi imparable.

Les intervalles

La définition des intervalles ainsi que leur gestion est un des traits les plus caractéristiques de la musique tonale. On y rencontre des phénomènes d'attraction plus faciles à rzessentir qu'à expliquer en des termes rigoureux. Deux exemples disent mieux de quoi il s'agit. 1) Une phrase musicale (pensez à Au clair de la lune) suit, comme n'immporte quelle phrase déclamée par la parole, un contour accentué qui fait comprendre qu'elle est terminée et qu'une autre peut commencer. Un morceau de musique écrit dans une tonalité spécifique commence habituellement par la note tonique mais ce qui est plus surprenant c'est qu'il tend à se clore sur la même note éventuellement à une octave de distance comme si la pièce se souvenait de son point de départ. Jamais il ne se terminera de façon satisfaisante sur la sensible, située un demi ton plus bas.

La gamme majeure définit 8 degrés d'importances inégales. On les numérote habituellement par un chiffre romain, entre I et VIII. La note de départ s'appelle la tonique (I). Aussssi étrange

Le temps musical

Contrairement à ce qui se passe en peinture, le temps joue un rôle essentiel en musique. En face d'une toile, l'oeil humain a cette capacité d'en appréhender quasi instantanément la globalité et d'apporter une réponse provisoire d'adhésion ou de rejet. Certes il faudra un peu de temps pour discuter les détails mais cela participe d'une analyse approfondie.

Les choses se passent très différemment en musique où le temps intervient à deux niveaux au moins, celui de l'instant et celui de la durée. La gestion de la succession des instantanés musicaux crée le rythme, un paramètre essentiel de l'infinité des variantes musicales. La théorie qu'implique cette gestion est nettement plus complexe que celle des hauteurs de sons : un musicien doit impérativement la maîtriser mais un auditeur en est heureusement dispensé, il lui suffit d'en ressentir les effets. Par contre la gestion du temps sur la durée concerne tout le monde et l'auditeur qui n'entend (dans les deux sens du terme) rien à la musique peinera toujours à s'y retrouver.

Conscients de ce problème les compositeurs ont développé des stratégies de repérage leur permettant d'écrire des mouvements d'oeuvres pouvant dépassant la demi heure sans prendre le risque de perdre leur auditoire en chemin. Chaque époque a développé ses propres stratégies dans plusieurs directions : la tonalité stricte s'est progressivement relâchée sous la poussée d'esprits aventureux soucieux de renouveler le champ des possibles. On a ainsi vu défiler un chromatisme croissant (Liszt, Wagner, ...), une polytonalité (Milhaud, ...), un retour à une modalité étendue (Debussy, Messiaen, ), une bifurcation vers atonalité libre (Schönberg première manière, ...) jusqu'à la rupture consacrée par l'avènement du dodécaphonisme (Schönberg deuxième manière). Une autre stratégie largement utilisée concerne la répétition stricte aux époques anciennes (baroque et classique) et de moins en moins strictes à partir du 19ème siècle. On a connu le grand art de la variation initié par Beethoven, son amplification sous la forme de la variation continue chez Wagner, l'explosion des motifs microvariés chez Stravonsky jusqu'à l'éradication programmée de toute forme de reprise chez le Schönberg deuxième manière.

Le temps de la musique. La notion de temps revêt deux significations au moins en musique. Il y a le temps perçu comme durée et le temps conçu comme division de la mesure au service du rythme. Le temps-durée a été traité fort différemment par des musiciens aussi opposés dans leurs conceptions que Bach (temps statique, s'étirant à l'infini dans une musique ne connaissant ni début ni fin véritables et qui, dès lors, pourrait s'éterniser sans lasser). La musique minimaliste réserve un sort identique au son en le protégeant, dans le meilleur des cas, contre toute forme d'oxydation. A l'inverse, un Beethoven se sert du temps pour consumer le son : l'œuvre doit connaître un début et une fin car elle s'inscrit dans l'éphémère de la vie terrestre.
Le temps des intervenants.
Le temps du compositeur. Que composer prenne du temps semble une évidence. Certes certains musiciens ont des facilités que d'autres n'ont pas : Mozart dictait d'une traite et sans rature tandis que Beethoven accouchait dans la douleur mettant parfois plusieurs années pour achever l'œuvre projetée voir même commandée. Après tout la situation du peintre qui projette une œuvre complexe n'est guère différente (sauf que l'on a connu des peintres brossant une œuvre en 24 heures, chose inenvisageable en musique !).  A ce stade l'œuvre existe sur le papier et sous réserve qu'on en fasse un nombre suffisant de copies elle échappe désormais aux désastres qui menacent les peintures : disparition, vol, incendie, altération majeure du support ou des couleurs. Elle n'est pourtant pas sortie de l'ombre pour autant car rédigée dans une langue étrangère à la plupart des publics potentiels elle a besoin d'interprètes.  
Le temps de l'interprète. L'interprète a également besoin de temps pour déchiffrer la partition qu'il envisage de jouer, de trouver les bons doigtés sans parle r de comprendre les intentions de l'auteur (pour autant qu'elles aient existé !). Cela prend plus de temps à certains qu'à d'autres mais le résultat est toujours le même : le répertoire de tout interprète est toujours plus ou moins infime par rapport au répertoire existant. Le cas des musiciens d'orchestre est particulier car il y a lieu de les rassembler autour d'un répertoire en évolution possible.
Le temps de l'auditeur. La position la moins confortable est cependant celle de l'auditeur. Au contraire des deux catégories précédentes qui sont professionnelles lui est le plus souvent un amateur mélomane certes mais peu disposé à consacrer l'essentiel de son temps à l'écoute. Abonné dans le meilleur des cas à une série de concerts il n'est assuré que d'entendre un répertoire de base qui va lui prendre le temps d'une soirée entière. En comptabilisant un nombre raisonnable de soirées , on s'aperçoit rapidement que le nombre des œuvres entendues (en salle) restera toujours ridiculement faible. Sachant cela les organisateurs de concerts se contenten d'entretenir un répertoire basique ce qui satisfait un maximum de personnes : les membres d'orchestre qui ne disposent que de 24 h par jour et les auditeurs qui souhaitent généralement entendre les grandes œuvres du répertoire et rien d'autre. Il y a 50 ans cette règle était promise à l'immobilisme car le répertoire stagnait de façon récurrente. Mais avec le temps et alors qu'on prédisait un avenir sombre à l'enregistrement classique c'est tout le contraire qui s'est produit. Les jeunes musiciens ont bien compris qu'il ne servait çà rien d'envisager une nième version
De tous les arts, c'est sans doute la musique qui entretient le rôle le plus fort avec la notion de temps.  Toute œuvre musicale s'inscrit dans la durée d'une exécution et cela a deux conséquences immédiates :
Une soirée de concert fait généralement entendre entre une et deux heures de musique. Cela peut paraître court si la musique plaît et cela peut paraître long si ce n'est pas le cas. Dans les deux cas on a consacré une soirée à la (re)découverte d'une portion infime du répertoire. Autant dire que si l'on veut explorer les moindres recoins de la longue histoire de la musique occidentale qui s'étale sur 1000 ans au moins on risque fort d'y passer sa vie. C'est une contrainte que peu de nos contemporains sont prêts à épouser. La conséquence peut être tragique pour toutes les musiques qui n'accèdent pas facilement aux estrades de concert : elles sont largement délaissées voire ignorées.
La conséquence négative la plus préoccupante est incontestablement un répertoire figé. La plupart de nos contemporains n'ayant pas l'intention de consacrer à la musique une part importante de leur temps disponible, la conséquence est qu'ils vont et restent à l'essentiel d'un répertoire exigu.
La gestion du temps composé varie considérablement d'un compositeur à l'autre. Pour s'en tenir aux extrêmes, Bach et Schubert et les minimalistes
Une exposition de peintures

Le langage musical

Il existe deux voies d'approche convenant à la théorie du langage musical. La première est proprement linguistique, héritée des travaux de Noam Chomsky. C'est celle qu'a empruntée Leonard bernstein lorsqu'il a conçu son cycle pédagogique le plus mbitieux les 6 Norton Lectures données à Harvard, en 1972.

L'autre approche est informatique. Elle considère le langage dans son abstraction réduite à quelques composants invariables : un alphabet une grammaire qui commence par définir les mots recevables et le moyen de les utiliser.

Attraction sonore

Il n'est écrit nulle part qu'une phrase musicale doit être harmonieuse mis si on veut qu'elle le soit il est bon qu'on respecte en l'écrivant un ensemble de lois dont l'harmonie tonale offre des exemples éprouvés. Une phrase est ressentie comme harmonieuse lorsqu'elle respecte un profil qui évite en particulier la suspension dans le vide. Fredonnez "Jai du bon tabac" en omettant la dernière note et il vous sautera aux oreilles qu'il manque quelque chose que la phrase n'est pas achevée. Au départ d'une tonique il n'est pas confortable d'entendre la phrase se terminer sur n'importe quelle note mais plutôt sur une note qui entretient un rapport d'affinité consonante avec elle. Cette note n'a évidemment pas de propriété particulière dans l'absolu elle n'est que relative à sa tonique. Si on change de tonique, par exemple en transposant, et c'est évidemment toute la phrase qui s'en trouve translatée en fréquences y compris la note finale.

Ne pas respecter ces principes d'affinité est parfaitement envisageable, on quitte simplement l'harmonie tonale pour éventuellement en adopter une autre qui a toutes les chances de déconcerter mais ce n'est qu'une question d'habitude auditive. Deux exemples choisis permettent de situer la différence, Mathias Hauer et Benjamin Frankel mais il y en a d'autres sans parler de Schönberg qui a rethéorisé l'harmonie de façon contraignante.

La musique d'expression tonale est sujette et pour ainsi dire dominée par un phénomène purement physiologique que les lois de l'acoustique n'imposent en rien : l'attraction sonore. Cette expression semble suggérer que deux sons seraient capables de s'attirer ou de se repousser et c'est bien comme cela que les musiciens l'entendent mais il importe de comprendre que cela n'a rien à voir avec ce qui se passe en physique lorsqu'on observe que deux aimants interagissent en se rapprochant ou en s'écartant. Le phénomène serait plutôt à rapporter à l'attraction ou la répulsion naturelle que deux êtres sensibles peuvent éprouver l'un pour l'autre. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la note qui figure le 6ème degré de la gamme majeure (ou mineure) s'appelle la sensible. En solfiant mentalement la gamme de do majeur sans produire le do situé à l'octave, on sent confusément que la phrase est comme suspendue et qu'il manque une note pour qu'elle soit complète : la note sensible (si) appelle irrésistiblement le do rappelant la note de départ mais située à l'octave comme si le souvenir de la tonique initiale demeurait entier.

La musique d'obédience classique a joué sur ce phénomène et d'autres qui lui sont apparentés. La raison en est sans doute qu'elle a été très tôt confrontée au problème inévitable de la gestion du temps, qui joue, en musique un rôle très particulier. Le temps ne joue aucun rôle en peinture lorsqu'on visite une collection de tableaux : l'oeil perçoit immédiatement la globalité des oeuvres exposées et le temps qu'il y passe ne sert plus qu'à cerner les détails. En musique, le temps impose une concentration d'un autre ordre qui passe par un ensemble de repères où la mémoire auditive intervient à coup sûr. Les compositeurs classiques ont prévu un ensemble de balises qui facilitent le repérage. La plus évidente mais aussi la plus basique est la reprise : il s'agit d'un épisode entier du discours musical qui est repris à l'identique. Son principe est propre à la musique car on n'imaginerait pas, en littérature, qu'un auteur allonge son texte en récupérant in extenso une section antérieure de son texte, cela serait vécu comme une escroquerie par le lecteur; rien de tel en musique classique : cette reprise est attendue par l'amateur car elle fait partie de son confort d'écoute.

Tout le monde n'apprécie pas forcément cette facilité et les amateurs de musique (classique) moderne demandent que les compositeurs brouillent davantage lespistes sans toutefois les perdre au risque qu'elles ne mènent plus nulle part. Le Sacre du Printemps de Stravinsky propose un bon compromis d'une musique qui guide l'auditeur à travers divers épisodes sans les perdre mais sans toutefois les faire repasser périodiquement par les mêmes endroits.

Objections sémantiques

Epilogue ?